Livrables de projet

L’objectif de la Supply Chain Quantiative est de suggérer des mesures applicables — passer telles commandes avec telles quantités par exemple. Nous clarifions ci-dessous la forme et le mécanisme de présentation de ces suggestions. La définition détaillée des livrables d’un projet de Supply Chain Quantiative est une étape importante de celui-ci. Évidemment, un tel projet ne vise pas seulement des résultats numériques optimisés : les livrables doivent comprendre d’autres éléments, qualité des données et KPI de gestion principalement. En pratique, les livrables d’une initiative de Supply Chain Quantiative dépendent de la souplesse de la solution logicielle utilisée. Ils sont cependant essentiellement définis par leur « finalité », qui ne dépend pas de la technologie utilisée.

Des scripts en tant que livrables

La Supply Chain Quantiative met l’accent sur l’automatisation totale des circuits de données. La configuration logicielle ne doit pas pour autant tourner de façon autonome : une surveillance rapprochée est souhaitable, surtout si la chaîne d'approvisionnement concernée est de taille importante. Un circuit de données est entièrement automatisé, lorsqu’aucune de ses étapes ne dépend d’une opération manuelle. En effet, comme souligné dans notre manifeste, dès que certaines opérations de traitement des données logistiques sont effectuées manuellement, la solution ne peut être appliquée à grande échelle.

Par conséquent, les livrables d’une initiative de Supply Chain Quantiative comprennent invariablement des éléments logiciels. L’équipe responsable de l’initiative n’est cependant pas censée remettre en œuvre tout le système informatique : une solution logicielle dédiée à la Supply Chain Quantiative offre la possibilité de traiter uniquement les difficultés rencontrées dans ce domaine. Une telle solution permet de faire abstraction des détails techniques, comme l’exploitation de ressources informatiques distribuées et allouées automatiquement au sein d’une plate-forme Cloud. Ainsi, l’équipe n’a pas besoin de se pencher sur ces questions, qui sont gérées directement par l’outil.

Les livrables correspondent à des scripts rédigés dans un langage de programmation hautement productif et capable de s’adapter aux besoins logistiques. Le mot « script » est préféré à « code source », mais ces deux termes sont proches : le premier souligne le niveau d’abstraction et l’importance de la tâche en elle-même, tandis que le second met en avant un point de vue bas niveau, censé refléter précisément le matériel informatique lui-même. En matière de Supply Chain Quantiative, le point de vue logistique prime et le matériel informatique reste un aspect technique secondaire.

Ces dix dernières années, le succès des interfaces utilisateur WYSIWYG (what-you-see-is-what-you-get) dans les applications destinées au grand public a incité les éditeurs de logiciels de gestion logistique à tenter d’émuler cette approche et d’apporter une solution WYSIWYG à la planification et l’optimisation logistique. Mais l’échec quasi systématique de ce type d'interfaces montre que la logistique est un domaine complexe dans lequel l’utilisation d'outils de programmation est indispensable. D’après notre expérience, il est délirant de croire qu’un outil de type glisser-déposer est capable de refléter correctement la complexité de quantités minimales de commande imbriquées par exemple. L’expressivité d’un langage de programme est nécessaire, sinon les difficultés logistiques ne peuvent même pas être modélisées dans l’outil.

Naturellement, du point de vue de l’utilisateur final, les scripts ne correspondent probablement pas aux résultats tangibles attendus par des professionnels de la logistique dans le cadre d’une initiative de Supply Chain Quantiative. Ainsi, les utilisateurs passent par des tableaux de bord qui contiennent des KPI consolidés et des tables qui regroupent les décisions suggérées. Mais ces tableaux de bord sont transitoires et jetables. Ils sont simplement obtenus en exécutant des scripts qui exploitent les données logistiques. La différence est subtile, mais il est important de ne pas confondre un script, véritable livrable, et son expression sous forme de chiffres généralement fournie à l’utilisateur final de la solution.

Tableaux de bord sur la santé des données

Avant d’envisager la suggestion de décisions logistiques optimisées, nous devons veiller à ce que les données traitées par le système sur lequel s’appuie l’initiative de Supply Chain Quantiative soient correctes numériquement et sémantiquement. L'objectif des tableaux de bord sur la santé des données est de garantir la fiabilité des données, essentielle à la pertinence des résultats numériques renvoyés par la solution. Ces tableaux de bord aident également l’équipe logistique à améliorer la qualité des données existantes.

La plupart des erreurs numériques sont simples : le fichier CSV exporté depuis l’ERP indique 42 unités du produit ABC en stock, tandis que l’interface Web de l’ERP seulement 13. Les valeurs sont différentes alors qu’elles devraient être égales. Les tableaux de bord sur la santé des données signalent ces problèmes relativement évidents en vérifiant que les données regroupées restent dans les tranches de valeurs attendues.

Les erreurs sémantiques sont plus subtiles et, en pratique, plus difficiles à identifier. La préparation des données consiste donc principalement à les identifier et les corriger. Par exemple : le champ stockinv peut être référencé dans l’ERP comme le « stock disponible ». L’équipe fait donc l’hypothèse que cette quantité ne peut être négative, puisque, si les unités sont disponibles, il s’agit d’une quantité positive. Pourtant, la documentation de l’ERP prête légèrement à confusion et ce champ correspond plus au « stock en cours », car, en cas de rupture de stock et d’une commande en souffrance passée par un client, la quantité devient négative pour indiquer qu’un certain nombre d’unités sont déjà dues au client. Cet exemple illustre une erreur sémantique : la valeur n’est pas fausse en elle-même, c’est la compréhension qu’en a l’équipe qui est approximative. En pratique, les approximations sémantiques peuvent générer de nombreux comportements incohérents, qui, à leur tour, entraînent des coûts de friction au sein de la chaîne d'approvisionnement.

Les tableaux de bord sur la santé des données rassemblent des valeurs qui permettent à l’entreprise de décider sur-le-champ si les données sont fiables. En effet, dans une solution utilisée au quotidien à des fins de production, tout problème de données important doit être identifié quasi instantanément. Si ce n’est pas le cas, les activités logistiques risquent d’être influencées pendant des jours, voire des semaines, par des données erronées. Dans ce contexte, un tableau de bord sur la santé des données joue le rôle d’un feu de circulation : vert vous passez, rouge vous vous arrêtez.

De plus, dans le cas d’une chaîne d'approvisionnement d’une certaine ampleur, il existe toujours un certain volume de données incorrectes. Ces données viennent de saisies erronées ou de cas limites dans les systèmes de l’entreprise. En pratique, dans ce cas, il est déraisonnable de présumer que les données logistiques utilisées sont 100 % correctes. Par conséquent, il vaut mieux veiller à une exactitude suffisante pour que les coûts de friction générés par les erreurs rencontrées soient presque négligeables.

Les tableaux de bord sur la santé des données sont donc aussi censés fournir des statistiques sur les erreurs de données identifiées. Ces statistiques sont des instruments de détermination de la fiabilité des données. À cette fin, un le Supply Chain Scientist intervient souvent pour établir des seuils d’alerte appropriés, dont le dépassement signifie habituellement l’arrêt de la solution. Des précautions doivent être prises lors de la définition des seuils : si ceux-ci sont trop bas, la solution est inutilisable, car les problèmes de données sont identifiés trop fréquemment, et si les seuils sont trop élevés, les coûts de friction générés par les erreurs de données peuvent devenir non négligeables et plomber les bénéfices de l’initiative elle-même.

Au-delà de la signalisation feu vert-feu rouge, les tableaux de bord sur la santé des données fournissent aussi des informations classées par ordre de priorité sur les efforts d’amélioration des données possibles. En effet, certaines erreurs sont sans conséquence. Par exemple, une erreur de prix d’achat sur un produit qui n’est plus demandé depuis des années n’est pas grave puisque ce produit ne sera plus commandé.

En matière de Supply Chain Quantiative, l’impact financier estimé des erreurs (identifiées le plus précisément possible, ce qui peut nécessiter beaucoup de travail manuel) doit être comparé au coût de leur correction. En effet, en fonction de la situation, le coût de correction d’une donnée erronée varie énormément et doit être pris en compte dans l’ordre de priorité suggéré. Enfin, si le coût de correction est estimé supérieur au coût logistique engendré par l’erreur, le processus d’amélioration des données peut s’interrompre.

Tableaux de bord de décisions par ordre de priorité

Comme nous l’avons vu, seules les décisions logistiques peuvent réellement être évaluées d’un point de vue quantitatif. Ainsi, sans surprise, l’un des livrables opérationnels clés d’une initiative de Supply Chain Quantiative est un tableau de bord qui rassemble les décisions suggérées par les résultats numériques finaux de l’ensemble du circuit de données. Un tel tableau de bord peut être une simple liste des produits et des quantités à réapprovisionner immédiatement. Si des quantités minimales de commande existent (ou toute autre contrainte de commande), les quantités suggérées peuvent être nulles jusqu’à ce que les paliers soient atteints.

Pour simplifier, nous faisons l’hypothèse que ces résultats numériques sont rassemblés dans un tableau de bord, qui est une forme spécifique d’interface utilisateur. Cependant, le tableau de bord n’est qu’une option parmi d’autres, adaptée ou non au besoin. En pratique, le logiciel qui accompagne une initiative de Supply Chain Quantiative doit être flexible au niveau de ses fonctions de programmation et proposer plusieurs façons de présenter les résultats. Par exemple, les résultats numériques peuvent être consolidés dans les fichiers texte plats, prévus pour être importés dans l’ERP utilisé pour gérer les ressources de l’entreprise.

Si le format dans lequel sont fournies les décisions dépend de la tâche à laquelle celles-ci vont servir, un ordre de priorité est la plupart du temps nécessaire. Le calcul des quantités d’achat suggérées peut par exemple être décomposé selon une liste d’unités associées à un niveau de priorité, les unités les plus rentables étant les plus prioritaires. Comme une augmentation du stock est associée à une baisse des retours sur investissement, la deuxième unité achetée pour le même produit répond à une fraction plus petite de la demande. Ainsi, la deuxième unité de ce produit ne sera probablement pas la deuxième entrée de la liste d’achat globale. La deuxième unité la plus rentable peut être associée à un autre produit. La liste des unités à acheter par ordre de priorité est virtuellement sans fin : il est toujours possible d’acheter une unité supplémentaire. Mais, comme la demande n’est pas infinie, toutes les unités acquises deviendraient du stock mort après un certain point. Pour obtenir une liste finale de quantités à acheter, il suffit d’utiliser un « critère d’arrêt » puis de sommer les quantités par produit. En pratique, les contraintes de commande non linéaires compliquent l’opération, mais, par souci de simplification, nous les mettons de côté dans cette présentation.

La définition du niveau de priorité de chaque décision est naturelle du point de vue de la Supply Chain Quantiative. Chaque décision étant associée à un résultat financier exprimé en dollars, leur classement par ordre décroissant de rentabilité est simple. Par conséquent, la plupart des tableaux de bord de suggestions de décisions logistiques correspondent, en pratique, à des listes de décisions classées par ordre de priorité, de la plus rentable à la moins rentable. Les professionnels de la logistique peuvent aussi décider d’écourter les listes lorsque les décisions ne sont pas rentables. Cependant, les décisions qui se trouvent juste sous la limite de rentabilité sont souvent instructives, même si l’entreprise ne les met pas en application.

Pour fournir ce type de tableaux de bord de décisions, la solution logicielle qui accompagne l’initiative de Supply Chain Quantiative doit passer en revue un grand nombre de décisions possibles. Elle doit par exemple être en mesure de prendre en compte l'impact financier de l’achat de chaque unité, une par une, pour chaque produit et dans chaque entrepôt. Sans surprise, cette opération requiert des ressources de calcul substantielles. Heureusement, de nos jours, le matériel informatique est capable de prendre en charge les chaînes d'approvisionnement de toutes tailles, même les plus importantes. Si l’architecture de la solution logicielle sous-jacente est appropriée pour la Supply Chain Quantiative, l’évolutivité du traitement des données ne devrait pas être un problème pour les équipes logistiques.

Des résultats numériques plus transparents

En logistique, les systèmes et autres champs qui génèrent des résultats inexplicables sont appelés, avec dérision, « boîtes noires » par les professionnels qui les utilisent. La Supply Chain Quantiative, en privilégiant les circuits de données automatisés, risque d’aboutir à des résultats que les équipes logistiques pourraient considérer comme des « boîtes noires ». Les conséquences financières des décisions logistiques sont très importantes pour une entreprise et, si un nouveau système peut améliorer la situation, il peut aussi potentiellement provoquer un désastre. L’automatisation est tout à fait intéressante, mais l’équipe logistique doit comprendre en détail les résultats du circuit de données qui contribue à l'initiative de Supply Chain Quantiative.

La transparence de la solution utilisée est dans l’intérêt des équipes logistiques. Pourtant, aucune technologie n’est transparente par nature. Cette transparence résulte d’efforts spécifiques, qui font partie de l’initiative en elle-même. En effet, en pratique, même une simple régression linéaire peut générer des résultats déconcertants. À l’exception de quelques personnes, la plupart d’entre nous n’a pas une compréhension intuitive du résultat d’un modèle linéaire dès lors que 4 dimensions ou plus sont en jeu. Pourtant, les problèmes logistiques impliquent souvent des dizaines de variables, voire des centaines. Ainsi, même les modèles statistiques les plus simples deviennent « de facto » des boîtes noires pour les professionnels de la logistique. Naturellement, ces derniers sont encore plus perdus lorsque des algorithmes d’apprentissage automatique sont utilisés, comme le préconise la Supply Chain Quantiative.

Même si l’effet boîte noire est un vrai problème, la simplification du traitement de données dans le but de tendre vers des calculs immédiatement intuitifs pour l’esprit humain n’est pas la solution. Cette approche est totalement inefficace, car elle annule tous les avantages des ressources modernes de calcul, qui pourtant sont utiles face à la complexité de la logistique moderne. La simplification du processus n’est donc pas la réponse. Cette dernière passe par plus de transparence.

Même les recommandations logistiques les plus complexes peuvent être rendues plus transparentes pour les professionnels de la logistique, simplement en décomposant les calculs internes avec des indicateurs financiers bien choisis qui représentent les moteurs économiques sur lesquels elles reposent. Par exemple, un tableau brut de commandes d’achat avec produits et quantités est plus parlant avec quelques colonnes d’aide à la décision : stock actuel, demande totale sur le dernier mois, délai d'approvisionnement prévu, coût financier estimé de rupture de stock (si aucune commande n’est passée), coût financier estimé de surstock (risque de la commande suggérée), etc. Ces dernières doivent être conçues pour que l’équipe logistique puisse rapidement vérifier les quantités suggérées et, ainsi, l’équipe peut faire immédiatement confiance aux résultats numériques fournis et identifier les faiblesses à améliorer.

L’extension des tableaux de bord en vue d’apporter plus de transparence est une forme d’art. Il est facile de générer des millions de chiffres, même avec des ressources de calcul équivalentes à celles d’un smartphone. Alors que générer 10 chiffres qui valent la peine d’être pris en compte n’est pas si évident. Le défi principal consiste par conséquent à identifier au maximum une douzaine de KPI suffisant pour éclairer les décisions logistiques suggérées. Un bon KPI nécessite généralement beaucoup de travail : il ne peut s’agir d’une définition naïve, qui est généralement trompeuse en matière de logistique. Par exemple, même une colonne aussi simple que « le prix d’achat à l’unité » peut induire en erreur si le fournisseur offre des remises en fonction du volume acheté, qui créent une dépendance entre prix d’achat et quantité achetée.

Tableaux de bord stratégiques

L’importante des décisions à petite échelle est indéniable — c’est une des seules approches qui ouvre la voie à des évaluations quantitatives de la performance — mais, pour accélérer sa performance, une chaîne d'approvisionnement nécessite parfois des ajustements plus importants, plus radicaux. Par exemple, l’achat d’unités de stock mieux choisies n’augmente le taux de service qu’à la marge. Cependant, au bout d’un moment, l’entrepôt est plein et aucune unité supplémentaire ne peut être achetée. Dans cette situation, il faut envisager d’agrandir l’entrepôt. Afin d’évaluer l’impact d’une augmentation de cette limite de stockage, la contrainte liée à la capacité de l’entrepôt peut être supprimée des calculs et l’avantage financier d’un entrepôt plus grand évalué. Les responsables du service logistique peuvent surveiller l’indicateur financier associé au coût de friction dû à la capacité de l’entrepôt et décider d’un moment opportun pour augmenter cette dernière.

En général, les chaînes d'approvisionnement reposent sur plusieurs contraintes qui ne peuvent être passées en revue quotidiennement. Celles-ci comprennent les fonds de roulement, la capacité de stockage, les délais de transport, la cadence de production, etc. Chaque contrainte est associée à un coût d’opportunité implicite pour la chaîne d'approvisionnement, qui se traduit généralement par du stock, des retards ou des ruptures de stock supplémentaires. Le coût d’opportunité peut être évalué à travers les gains de performance qui résulteraient de la suppression ou de l’affaiblissement de la contrainte elle-même. Si la mise en œuvre de ces simulations s’avère parfois difficile, souvent elle ne l’est pas plus que l’optimisation des décisions de routine, par exemple la détermination des quantités des commandes d’achat.

La Supply Chain Quantiative met l’accent sur le fait que les coûts d’opportunité associés à ces contraintes doivent faire partie du circuit de données de production et, généralement, devraient être présentés dans des tableaux de bord dédiés, conçus spécifiquement pour aider les responsables logistiques à décider des moments opportuns pour effectuer d’importants changements. Ces types de tableaux de bord sont appelés tableaux de bord stratégiques. Cette approche diffère des pratiques logistiques traditionnelles qui privilégient les initiatives « ad hoc » lorsque la chaîne d'approvisionnement semble atteindre une limite opérationnelle. Les KPI fournis par les tableaux de bord stratégiques sont quant à eux actualisés chaque jour ou plus fréquemment si nécessaire, comme l’ensemble du circuit de données. Ils ne nécessitent pas d’effort de dernière minute, parce qu’ils sont en permanence à jour et prêts à capitaliser les informations récoltées au cours d’une initiative étalée dans le temps.

Le processus de prise de décisions des responsables logistiques repose sur les tableaux de bord stratégiques. Comme ces derniers font partie du circuit de données, dès que le marché évolue plus rapidement que d’habitude, les KPI sont à jour et reflètent la situation de l’entreprise. Cette approche permet d’éviter les pièges des investigations « ad hoc » qui retardent toujours la résolution de problèmes connus depuis longtemps. Elle atténue également l’autre problème, les décisions stratégiques hâtives qui s’avèrent peu rentables.

Tableaux de bord d’inspection

La logistique est un domaine à la fois complexe et imprévisible. Ainsi, le débogage du circuit de données semble être une tâche insurmontable. Ce circuit représente pourtant la colonne vertébrale de chaque initiative de Supply Chain Quantiative. Des données erronées ou des bogues peuvent être rencontrés partout dans ce circuit. Le problème le plus courant n’est pas une « formule erronée », mais une « signification ambiguë ». Par exemple, au début du circuit, la variable stockinv peut correspondre au stock accessible (pour lequel des valeurs négatives sont possibles) puis être interprétée plus tard comme le stock disponible (dont la valeur ne peut être négative). L’interprétation ambiguë de la variable stockinv peut être à l’origine d’erreurs, depuis le plantage du système — évident, mais modérément dangereux — au dérèglement silencieux et généralisé des décisions logistiques.

Comme les chaînes d'approvisionnement reposent la plupart du temps sur un mélange unique de solutions logicielles élaboré au fil des ans, il n’y a aucun espoir d’obtenir une solution logicielle qui a fait ses preuves et sans bogue. En effet, la plupart des problèmes apparaissent aux frontières du système, lors du rapprochement de données issues de systèmes différents, voire lors du rapprochement de données issues du même système. Par conséquent, que la solution logicielle ait fait ses preuves ou non, les outils doivent contribuer au processus de débogage, puisque ce type de problèmes apparaît forcément.

L’objectif des tableaux de bord d’inspection est de fournir des vues détaillées qui facilitent l’inspection rapide des ensembles de données logistiques. Ces tableaux de bord ne sont pourtant pas de simples analyses descendantes de vérification des tables de données d’entrée. De telles analyses descendantes ou des approches similaires passent à côté de l’essentiel. La logistique est axée sur les flux : flux d’articles, flux de paiements, etc. Les problèmes de données les plus sérieux arrivent lorsque la logique de la continuité de ces flux est perdue. Par exemple, lors du transfert de marchandises de l’entrepôt A à l’entrepôt B, quelques entrées de produit peuvent manquer dans la base de données de ce dernier et être à l'origine d’une subtile altération de données, puisque les unités issues de l’entrepôt A sont reçues dans l’entrepôt B sans être correctement rattachées à leur produit au niveau du système. Lorsque les résultats numériques semblent suspects, le Supply Chain Scientist se réfère aux tableaux de bord d’inspection pour analyser rapidement un échantillon de données.

En pratique, un tableau de bord d’inspection offre un point d’entrée de bas niveau, comme le code produit ou le SKU, et regroupe toutes les données associées à celui-ci. Lorsque les marchandises passent par plusieurs emplacements, comme c’est le cas dans l’industrie aéronautique par exemple, le tableau de bord d’inspection vise généralement à reconstituer leurs trajets qui peuvent comprendre plusieurs emplacements physiques, mais également plusieurs systèmes. Une fois ces données rassemblées, le Supply Chain Scientist est en mesure d’évaluer si les données paraissent sensées : est-il possible d’identifier l’origine des marchandises transportées ? Les mouvements de stock sont-ils cohérents avec les règles logistiques de l’entreprise ? Etc. Le tableau de bord d’inspection est un outil de « débogage » conçu pour rassembler les données fortement interdépendantes, non pas du point de vue informatique, mais du point de vue logistique.

Un des problèmes les plus bizarres rencontrés par l’équipe de Lokad lors d’une analyse de données logistiques est « l’affaire des pièces téléportées ». L’entreprise — une compagnie aérienne dans ce cas — stocke des pièces détachées en Europe et en Asie du sud. La sécurité des appareils étant la priorité absolue, elle enregistre impeccablement chaque mouvement de stock associé aux pièces détachées. Pourtant, grâce à un nouveau tableau de bord d’inspection, l’équipe de Lokad se rend compte que certaines pièces passent de l’Asie à l’Europe, et inversement, en 2 à 3 minutes seulement. Ces pièces étant transportées par avion, le temps de transfert devrait être d’une douzaine d’heures au moins et certainement pas de quelques minutes. Nous soupçonnons immédiatement un problème de fuseau horaire ou d’heure des différents systèmes, mais les enregistrements des heures se révèlent impeccables. Puis, une enquête approfondie sur les données indique que les données téléportées sont effectivement installées sur des appareils, à leur emplacement d’arrivée — découverte pour le moins déconcertante. En demandant aux équipes logistiques de consulter ces tableaux de bord d'inspection, le mystère est enfin résolu. Les pièces téléportées sont des roues, composées de deux demi-roues et d’un pneu. Chaque roue peut être démontée en séparant les deux moitiés et le pneu. Si les deux moitiés et le pneu sont enlevés, il ne reste rien physiquement. Ainsi, les roues entièrement démontées peuvent être remontées n’importe où, qu’importe leur emplacement d’origine.

Les tableaux de bord d’inspection sont les équivalents des tableaux de bord sur la santé des données, à un niveau d’analyse inférieur. Ils sont axés sur des données désagrégées, tandis que les tableaux de bord sur la santé des données offrent un point de vue plus global sur les données. De plus, ils font généralement partie intégrante des efforts déployés pour rendre les données plus transparentes. Face à une recommandation déconcertante, les professionnels de la logistique doivent se pencher sur le produit ou le SKU concerné, afin de déterminer si la décision suggérée est raisonnable. Les tableaux de bord d’inspection sont généralement conçus dans cette optique et comprennent de nombreux résultats intermédiaires, qui contribuent au calcul de la recommandation finale.