Antimodèles logistiques

Nous proposons d’utiliser la Supply Chain Quantiative pour réduire radicalement le taux d’échec élevé rencontré par les initiatives d’optimisation logistique. Puisque notre approche met en avant les pratiques connues pour leurs bons résultats, celles qui ne fonctionnent pas sont rarement évoquées. Pis encore, la plupart de ces pratiques inappropriées sont précisément la source du fort taux d’échec des méthodes logistiques traditionnelles.

Cet article présente les façons de procéder — les modèles — qui ont mené la plupart des initiatives logistiques à l’échec. Nous avons payé le prix fort pour cette connaissance car il nous a fallu échouer à plusieurs reprises avant d'identifier le fond du problème. Nous appelons ces pratiques néfastes des « antimodèles logistiques ». Un antimodèle est une « solution » qui produit des effets contraires à ceux attendus : une approche courante, qui paraît être une bonne idée, mais qui n’aboutit pas aux améliorations recherchées.


Encadrement inadapté

Lokad ne veut surtout pas se mettre à dos les décisionnaires logistiques : ce sont nos prospects et clients. Cependant, nous estimons qu’il est de notre devoir de refuser un projet intrinsèquement voué à l’échec. Bien souvent, le problème se résume à la façon dont l’initiative est gérée. Cela dit, nous sommes conscients que les responsables logistiques ne sont pas les seuls coupables : certains éditeurs de logiciel font parfois passer de mauvais messages à leurs clients, sans en subir les conséquences. De plus, les habitudes et la politique interne empoisonnent potentiellement le quotidien des responsables logistiques, qui servent parfois de boucs émissaires lorsque tout ne se passe pas comme prévu. Dans cette section, nous passons en revue les pièges les plus courants qui peuvent être évités grâce à un meilleur encadrement de la supply chain.

Appel d’offres infernal

Les appels d’offres sont des procédures très utiles dans de nombreux domaines. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans celui des logiciels. En effet, la rédaction des spécifications d'un logiciel est bien plus difficile que sa programmation. C’est par ailleurs une tâche intimidante et le problème se corse si l'entreprise à l'origine de l'appel d’offres fait intervenir des consultants qui compliquent les spécifications. Les appels d’offres étouffent toute réflexion sur la solution à proposer puisque le client est censé connaître dans le détail ce dont il a besoin dès le début du processus. Or, par définition, le problème est loin d’être cerné à ce moment-là. De plus, en pratique, les appels d’offres favorisent une sélection négative des éditeurs : les bons ne sont pas intéressés tandis que les mauvais s’accrochent. Enfin, l’informatique étant un secteur qui évolue très rapidement, le temps de terminer votre appel d’offres et la solution de votre concurrent est déjà opérationnelle.

Preuve de concept fragile

Une preuve de concept est utile si vous avez besoin d’un service simple, presque standard, comme l’impression de cartes de visite par exemple. Une initiative logistique est compliquée par essence : la logistique nécessite la coordination de plusieurs entités, divers niveaux de données doivent être exploités et des dizaines de procédures sont à prendre en compte. Les preuves de concept ou les projets pilotes à petite échelle ne sont pas concluants car est intrinsèquement mis de côté l’aspect fondamental de toute initiative logistique réussie, sa capacité à fonctionner à grande échelle. La plupart des gens connaissent le principe des économies d’échelle. Pourtant, en matière d’optimisation logistique, les décisions deviennent de plus en plus difficiles à prendre au fur et à mesure que le problème se complexifie : on pourrait parler de déséconomies d’échelle. Une solution qui fonctionne sur un petit centre de distribution ne sera pas forcément adaptée à tout un réseau par exemple.

Ignorer l’incertitude

L'incertitude propre au futur ne disparaît pas comme par enchantement lorsqu'elle est ignorée. De la même façon, les difficultés liées à l’optimisation numérique d’une supply chain ne s'envolent pas simplement lorsqu'elles ne sont pas prises en compte. L’optimisation logistique requiert des prévisions probabilistes, qui sont les conséquences directes de l’incertitude du futur. Elle doit en outre faire face aux comportements contre-intuitifs déclenchés par les optimisations numériques. Certains éditeurs de logiciels exploitent l’attirance de leurs clients pour la simplicité et leur vendent des pratiques fantaisistes dans lesquelles toutes les difficultés sont ignorées. Malheureusement, ces dernières ne sont pas de simples détails techniques, elles définissent ce qui peut réellement fonctionner pour votre supply chain. L’incertitude doit être acceptée numériquement en profondeur. Les responsables logistiques doivent également accepter cette incertitude et l’intégrer dans leurs décisions.

Faire confiance au stagiaire

Si votre entreprise accorde la moindre importance à l’amélioration de sa supply chain, alors le projet mérite l’implication directe de la direction. Trop souvent, les entreprises caressent l’espoir d’une amélioration, mais affectent seulement un ou deux stagiaires au projet. Nous avons rencontré des stagiaires très intelligents, mais nous n’avons jamais vu aboutir une initiative menée par des stagiaires. Notez bien que nous n’avons rien contre les stagiaires. Ces derniers peuvent être intelligents, motivés et créatifs, mais ne sont pas du tout en mesure de mener les changements dont la logistique de votre entreprise a besoin. La direction doit être pleinement impliquée sinon les équipes ne prennent pas les mesures nécessaires. Les équipes n’ont que peu — voire pas du tout — de temps disponible. La direction doit donc résolument s’impliquer dans le projet afin de montrer clairement que ce dernier est une priorité, sinon personne ne s’en préoccupe, sauf peut-être le pauvre stagiaire.

Trop de planification tue la planification

Les responsables d’une entreprise veulent être rassurés et quoi de plus rassurant qu’une feuille de route carrée, avec des phases, des rôles et des livrables bien définis ? Cependant, l’histoire de l'informatique nous a enseigné que les plans prédéfinis ne tiennent généralement pas plus d’une semaine. Ils ne passent même pas le premier jour parfois. En matière d’optimisation logistique, des événements inattendus arrivent en permanence et peuvent paraître effrayants. Pourtant, la définition d’un planning précis empire la situation : l’initiative rigidifiée est encore plus fragile face aux difficultés inattendues. L’initiative doit au contraire être capable de s’adapter à l’inconnu. La capacité à se relever est plus importante que l'élimination des problèmes dès le départ. Par conséquent, les responsables logistiques devraient concentrer leurs efforts sur l’agilité du projet plutôt que sur sa planification.

Découpler les prévisions et l’optimisation

Traditionnellement, en matière d’optimisation logistique, les prévisions sont décorrélées de la prise de décisions — potentiellement faisable d’un point de vue technique grâce à deux algorithmes distincts, un dédié aux prévisions et l’autre à l’optimisation. Mais, d’un point de fonctionnel, l’équipe chargée des prévisions doit être également responsable de l’optimisation : la logique de prise de décisions, c’est-à-dire l’optimisation, est très sensible, au niveau des chiffres utilisés, à la logique de prévision. En isolant les deux points de vue, les défauts qui existent au niveau des prévisions sont décuplés et ruinent les décisions générées. La logique d’optimisation doit coopérer autant que possible avec les forces et faiblesses de la logique de prévision.

Logiciel Frankenstein

Il est parfois difficile de trouver un consensus au sein des grandes entreprises. Par conséquent, même si la majorité des acteurs de la supply chain décide de choisir un éditeur de logiciel donné, il se peut qu'une minorité campe sur ses positions et insiste pour choisir certaines fonctionnalités d’un produit totalement différent. La personnalisation des logiciels étant une activité rentable, l’éditeur du logiciel s’empresse trop souvent d’obtempérer, gonflant au passage les coûts et la valeur perçue. Il faut pourtant des années pour programmer un bon logiciel et, si la qualité est au rendez-vous, le résultat final est un fin compromis entre tous les objectifs contradictoires. À l'inverse, la personnalisation d’un logiciel destiné à une grande entreprise finit presque systématiquement par le priver de ses propriétés d’origine et par le dégrader en ajoutant de multiples couches, le transformant ainsi en monstre. Les éditeurs de logiciels sont nombreux. Si une solution ne correspond pas aux besoins de votre entreprise, changez-en et sélectionnez un autre éditeur. Si aucun éditeur n’est capable de répondre à vos attentes, soit votre activité est très particulière, soit vos exigences sont peut-être à revoir.

Initiatives fondées sur les mots à la mode

Autour de 2010, l’exploitation de la météo pour affiner les prévisions de la demande était très à la mode. En 2012, l’intégration des données des médias sociaux aux prévisions de la demande était très en vogue. En 2014, le Big Data arrivait en force, bientôt remplacé par l’apprentissage automatique en 2016. Chaque année amène son lot de mots à la mode et il n’y a aucun mal à réexaminer un problème avec un nouveau point de vue, bien au contraire. Cependant, pour le bien des initiatives en cours, les difficultés principales ne doivent pas être perdues de vue et il vaut mieux garder en tête que si c’est trop beau pour être vrai, c’est que c'est probablement le cas : les améliorations logistiques se méritent. Ainsi, veillez à ce que les nouveautés que vous intégrez soient centrées sur les principales difficultés de votre supply chain.

Mauvaise exécution informatique

L’échec des projets est trop souvent attribué à l’informatique. Cette science est difficile, bien plus difficile que ce qu'on imagine. Il arrive pourtant parfois que les processus mis en place avec de bonnes intentions par les équipes informatiques soient sources d’importants désaccords et ralentissent tellement le projet que le reste des employés de l’entreprise baisse les bras. Les équipes informatiques doivent accepter les changements en général et notamment faciliter ceux qui ne compromettent pas les futures évolutions positives. Plus facile à dire qu’à faire.

Attention aux mécanismes de défense informatiques

Les équipes informatiques étant souvent les boucs émissaires lorsque des projets d’entreprise échouent, elles ont développé certains « mécanismes de défense ». Parmi ceux-ci, le plus commun consiste à demander des spécifications détaillées par écrit pour chaque nouvelle initiative. Pourtant, la spécification d’une solution logicielle est souvent plus difficile que sa mise en œuvre. Par conséquent, cette demande revient à remplacer un problème complexe par un autre encore plus complexe. Les autres mécanismes de défense observés portent sur un ensemble « d’exigences » non négociables, par exemple l’installation du logiciel dans les locaux de l’entreprise, sa compatibilité avec XYZ, une liste de fonctionnalités de sécurité spécifiques, etc. La programmation d'un bon logiciel prend des années. Une fois les exigences listées, seuls deux types d’éditeurs de logiciel émergent : ceux dont la solution n’est pas compatible avec vos exigences et ceux qui mentent à ce propos.

Sous-estimer les efforts liés à la préparation des données

Paradoxalement, les initiatives d’optimisation logistique échouent potentiellement aussi à cause d’une trop grande implication du service informatique, qui se charge de la préparation des données par exemple. Les professionnels d’un domaine aussi complexe que l’informatique sont souvent très talentueux et peuvent venir à penser qu'ils connaissent mieux l’activité de leur entreprise que leurs collègues. Cette théorie conduit malheureusement à une constante sous-estimation des difficultés liées à la manipulation des données de l’entreprise. La préparation de ces dernières ne consiste pas simplement à déplacer des mégaoctets. Il s’agit en réalité de comprendre en détail la façon dont les données reflètent les processus et l’organisation des tâches au sein de l’entreprise. Il est également important de comprendre leurs particularités, leurs biais et autres limites subtiles, puisque les données sont en permanence dans les systèmes de l’entreprise. Un projet prendra certainement du retard si la préparation des données est assurée par les équipes informatiques, celles-ci prenant petit à petit conscience de la superficialité de leurs connaissances de l'activité de l'entreprise. Par conséquent, l'option la plus raisonnable consiste à directement déléguer cette tâche à quelqu'un en dehors du service informatique.

Tentation de la plateforme évolutive

En matière de logiciels destinés aux entreprises, les éditeurs sont passés maîtres dans l’art de proposer des plateformes « évolutives » composées de plusieurs modules qui représentent autant de potentielles ventes additionnelles. Malheureusement, il est difficile de faire collaborer des plateformes différentes et celles-ci risquent de rapidement faire double emploi sur certaines fonctions, résultant en un cauchemar informatique nécessitant la mise en place de mécanismes de synchronisation encore plus difficiles à gérer qu’à configurer. Même si les solutions globales semblent tentantes, il vaut souvent mieux opter pour des applications plus concentrées. La gestion de dizaines d’applications concentrées est simple, tandis que la gestion de deux grosses plateformes qui font double emploi est infernale.

Extractions peu fiables des données

Les données sont indispensables à toute initiative de Supply Chain Quantiative : sans données pour l'alimenter, celle-ci s’éteint. Une telle initiative doit recevoir de nouvelles données en permanence. Trop souvent, le département informatique pense que quelques extractions de données sont suffisantes pour mettre le projet sur les rails. De toute façon, ce dernier devrait se terminer rapidement, puisque la plupart des initiatives de ce type échouent. Il n’est donc pas logique de trop s’impliquer dans les étapes préliminaires d’extraction des données. Pourtant, si l’on va au bout de cette réflexion et que la mise en œuvre d’un processus automatisé d’extraction fiable des données est retardée, celle-ci devient l’une des causes principales de l’échec de l’initiative. Il faut donc que les équipes informatiques soient proactives et commencent à automatiser l’extraction des données dès le début du projet. Elles doivent également convaincre le reste de l’entreprise que le succès de l’initiative en dépend et qu’une solution d’extraction temporaire ne mènera nulle part.

Mauvaises recettes numériques

L’optimisation logistique consiste principalement à exploiter des chiffres. Naturellement, les ambitions de l’entreprise comptent, tout comme la mobilisation et la discipline du personnel, mais, d’après notre expérience, la plupart des entreprises s’en sortent bien dans ces domaines. En matière de chiffres, il semble que la logistique soit envahie de mauvaises recettes numériques. Tous les professionnels de la logistique ne sont pas conscients du fait que les formules et modèles — appelés ici recettes numériques — dépendent d’hypothèses relativement strictes. Si l’une de celles-ci n’est pas respectée, la recette numérique s’écroule. Dans cette section, nous listons les coupables les plus courants en la matière. Pour plus de concision, nous faisons l’hypothèse que le lecteur connaît déjà les recettes évoquées.

Analyse ABC

L’approche ABC de la gestion du stock a été élaborée à un moment où il n’était pas envisageable d’utiliser des ordinateurs pour gérer la logistique. L’avantage principal de l’analyse ABC est sa simplicité : elle peut être faite à la main. Cependant, au vu de la capacité ahurissante des ordinateurs modernes, l’utilisation de cette analyse de nos jours n’est plus pertinente. Il n’y a aucun avantage à regrouper des milliers de SKU en 3 ou 4 classes arbitraires : un continuum complet est présent entre le produit le plus vendu et la très longue traîne. La logique d’optimisation logistique doit accepter et intégrer ce continuum au lieu de l’ignorer entièrement. En pratique, les inconvénients de l’analyse ABC sont empirés par les évolutions du marché, qui entraînent l’instabilité des classes, les produits passant d’une classe à l’autre en permanence.

Stock de sécurité

En réalité, il n’existe pas de « stock de sécurité » dans votre entrepôt. Il s’agit d’un concept qui divise le stock en deux catégories : le stock utilisable et le stock de sécurité. Historiquement, ce dernier a été proposé pour faire face de façon simple aux variations de la demande et des délais d'approvisionnement. Le stock de sécurité est modélisé à partir de distributions normales — également appelées gaussiennes. Cependant, une étude rapide de n’importe quel ensemble de données logistiques montre clairement que ni la demande ni le délai d'approvisionnement ne suivent une distribution normale. Au début des années 80, lorsque les ordinateurs étaient encore très lents, les distributions normales représentaient probablement un compromis intéressant entre complexité et précision, mais, de nos jours, il n’est pas logique de continuer à utiliser un concept défini pour contourner les limites des premiers ordinateurs.

Corrections manuelles des prévisions

Certains professionnels s’enorgueillissent d’être « meilleurs que leur système » et d’être capables de générer de meilleures prévisions que ce dernier. Dans ce cas, le bon fonctionnement du système doit être remis en cause et une évolution basée sur l’expérience et les connaissances des professionnels en question envisagée. L’optimisation logistique à une échelle significative implique la génération de milliers voire de millions de prévisions quotidiennement. Aucune entreprise ne devrait sérieusement envisager de demander à ses équipes logistiques de pallier manuellement les manques de son système. Au vu des progrès de la statistique au cours des 20 dernières années, il n’y a aucune raison de penser que, à partir des mêmes données d’entrée, un système automatisé n’est pas en mesure de produire de meilleurs résultats qu’un humain qui ne disposerait que de quelques secondes pour chaque calcul. Si l’humain dispose de plusieurs jours pour chaque décision alors la situation est radicalement différente. Cependant, la grande majorité des décisions prises au quotidien en logistique n’entre pas dans cette catégorie.

Alertes et mauvaise surveillance des prévisions

Les prévisions classiques mettent l’accent sur un seul futur — elles visent une moyenne ou une valeur médiane — comme si la probabilité de réalisation de ce futur était significative. Pourtant, le futur est incertain par nature et les prévisions ne peuvent être qu’approximatives. Dans certains cas, les prévisions classiques sont totalement fausses. Ces grosses erreurs de prévision coûtent souvent beaucoup d’argent aux entreprises. Par conséquent, des alertes destinées à surveiller ces erreurs sont mises en place. Les prévisions en elles-mêmes ne sont pourtant pas en cause. La coupable principale est l’approche de prévision classique car celle-ci se concentre sur un seul futur, alors que tous les futurs sont possibles, avec des probabilités différentes de se réaliser. Du point de vue des prévisions probabilistes, les erreurs de prévision sont connues à l’avance et représentées par des distributions de probabilités finement réparties sur une large plage de valeurs possibles. Les prévisions probabilistes privilégient une approche dans laquelle l’entreprise réduit de façon proactive les risques de ses activités logistiques lorsque l’incertitude atteint un certain niveau. À l’inverse, les alertes définies sur des prévisions classiques témoignent d’une approche inadéquate par nature puisque la notion d’incertitude est niée.

Rafistolage des données historiques

Lorsque des biais, tels que des ruptures de stock ou des promotions, sont identifiés, il est tentant de les « corriger » en modifiant les données historiques afin que celles-ci reflètent mieux ce à quoi l’historique aurait ressemblé sans ces biais. Nous appelons ce processus du « rafistolage » de données historiques. Ce rafistolage repose sur des modèles de prévision conçus comme des variantes de la moyenne mobile. Si vous ne disposez que de moyennes mobiles, alors, effectivement, les données historiques doivent être ajustées pour les représenter. Mais le rafistolage n’est pas une solution. En réalité, la solution consiste à trouver d’autres modèles de prévision plus adaptés à la situation : des modèles statistiques plus performants sont nécessaires pour gérer correctement des données historiques « enrichies », dans lesquelles les biais sont traités comme des données d’entrée. De tels modèles n’étaient peut-être pas disponibles il y a quelques années, mais ce n’est plus du tout le cas.

Délais d’approvisionnement mis au second plan

Nous ne savons pas vraiment l’expliquer, mais, trop souvent, les délais d'approvisionnement sont considérés comme une donnée d’entrée plutôt qu’un élément qui nécessite des prévisions. En effet, les délais d'approvisionnement futurs sont incertains et, la plupart du temps, le meilleur moyen de les estimer de façon fiable est d’utiliser les délais observés par le passé. Les délais d'approvisionnement nécessitent donc leurs propres prévisions. Par ailleurs, les implications logistiques de la qualité des estimations des délais d'approvisionnement sont bien plus importantes que ce qu’imaginent de nombreux professionnels : les quantités en stock sont là pour couvrir la demande pendant un délai d'approvisionnement donné. Si ce dernier évolue, les quantités en stock doivent évoluer également. Par conséquent, les délais d'approvisionnement ne peuvent être relégués au second plan de vos efforts logistiques. Presque tous les plans logistiques sont axés sur la justesse des prévisions de la demande, mais, d’après notre expérience, en pratique, la qualité des prévisions des délais d'approvisionnement est tout aussi importante.

Pseudoscience

La pseudoscience a toutes les caractéristiques de la science : elle semble rationnelle, repose sur des chiffres, est prétendument prouvée et défendue par des personnes très instruites. Elle n’est cependant pas en mesure de fournir des résultats répétables. Une configuration expérimentale n’est généralement même pas nécessaire à la détection de la pseudoscience et la documentation de cette dernière ne tient pas la route face à un expert impartial. La gestion des chaînes logistiques coûte cher. De plus, elle est complexe à appréhender. Ces deux attributs expliquent à eux seuls pourquoi les méthodologies logistiques sont relativement difficiles à remettre en cause : les expériences sont risquées et il est difficile d’évaluer correctement ce qui contribue réellement à chaque amélioration perçue.

Justifications fantaisistes

Les solutions de gestion logistique ne sont pas les seuls logiciels destinés aux entreprises à propos desquels les éditeurs ne sont jamais à court d’allégations. Pourtant, comme le veut le dicton, si ça a l’air trop beau pour être vrai, c’est que ça l’est probablement. Ainsi, à l’occasion de l’un des plus grands salons dédiés au secteur de la distribution au monde, organisé tous les ans en janvier à New York par la NRF, nous avons souvent pu constater que d’importants éditeurs de logiciels prétendent être en mesure de diviser par deux le stock de leurs clients grâce à leur nouvelle solution. Si ne serait-ce qu'un dixième de ces affirmations était vrai, toutes les entreprises du secteur bénéficieraient de niveaux de stock presque parfaits depuis déjà dix ans. Les chiffres justifiant ces allégations sont tellement facilement manipulables que la plupart de ces éditeurs ne mentent même pas vraiment. L’exemple de plus courant consiste à mettre en avant une entreprise cliente dont la supply chain était dans un état tel que la situation ne pouvait que s’améliorer, même si cette dernière n’atteint qu'un niveau normal suite au projet de mise en œuvre de la solution.

Faire confiance aux prévisions de l’équipe commerciale

On se demande toujours si les décisionnaires qui demandent à leurs équipes commerciales de leur fournir des prévisions exactes de la demande ont déjà travaillé avec une équipe de vente dans la réalité. Dans le meilleur des cas, ces chiffres représentent une conjecture honnête, mais, la plupart du temps, ils sont simplement inventés par les commerciaux. Ces derniers essayent en effet d’influencer positivement leurs résultats en fonction des objectifs financiers qui leur ont été fixés. Cette façon de fonctionner est la porte ouverte à une pratique largement répandue qui consiste à définir des objectifs aussi bas que possible afin de les dépasser facilement. De plus, en fin de compte, les équipes logistiques font semblant de prendre en compte ces prévisions alors qu’en réalité leurs activités restent totalement indépendantes des données fournies par les commerciaux. La seule option est effectivement d’ignorer ces chiffres, ceux-ci étant insuffisants pour permettre à la supply chain dans son ensemble de fonctionner.

Solutions à l’efficacité prouvée

Il peut sembler rationnel de chercher une solution testée et approuvée par une entreprise très semblable à la vôtre. Pour l’anecdote, Nokia a procédé exactement de cette façon, ainsi que de nombreuses autres entreprises, jusqu’à leur disparition. La plupart des grandes entreprises ne prennent pas de décisions aussi rapidement lorsqu’elles doivent choisir une solution complexe. Le processus de sélection du fournisseur peut prendre facilement près d'un an. Une année supplémentaire peut ensuite s’écouler avant que la solution choisie ne fonctionne en vitesse de croisière. Le suivi des résultats et leur acceptation prennent généralement 1 à 2 années de plus ; notamment pour les chaînes logistiques au sein desquelles toutes les solutions ne sont pas durables et qui ont tendance à reprendre leur ancien mode de fonctionnement dès lors que le fournisseur de la solution n’est plus sur place pour ajuster cette dernière. Par la suite, l’éditeur mettra potentiellement une autre année avant d’être en mesure de présenter cet exemple à des entreprises comme la vôtre. Vous ne pouvez cependant pas vous permettre d’adopter une solution cinq ans après un de vos concurrents. D’autant plus qu’en matière de logiciel, 5 ans représentent une très longue période. La plupart des logiciels sont d’ailleurs considérés comme obsolètes au bout de 5 ans et il n’y a aucune raison pour que ce soit différent pour votre supply chain.

Mauvais indicateurs, mauvaises analyses comparatives

La Supply Chain Quantiative consiste à fournir des chiffres dans lesquels vous pouvez avoir confiance. Par conséquent, les indicateurs et les analyses comparatives semblent très attrayants. Cependant, nous avons observé que la grande majorité des indicateurs et des analyses comparatives sont tellement mal conçus qu’ils peuvent s'apparenter à la pseudoscience abordée plus haut. La définition de bons indicateurs logistiques nécessite beaucoup d’efforts. Une bonne analyse comparative logistique nécessite encore plus d’efforts. Ces éléments sont trop souvent simplifiés à l’extrême et perdent alors leur pertinence. D’une manière générale, si une analyse comparative ne semble pas incroyablement difficile à vos équipes logistiques, alors il est probable que la tâche soit largement sous-estimée.