Tarification coûts majorés

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Par Gaël Grasset, juillet 2015

La tarification basée sur une stratégie de coûts majorés, ou coûts majorés, consiste à établir ses prix en fonction du coût de production et du niveau de marge souhaité. Cette méthode permet aux entreprises de sécuriser leurs marges, tout en étant facile à calculer sur un grand nombre de produits. D'après Chris Guilding et coll., cette méthode est largement utilisée, pour certains produits, par les distributeurs, qui la considèrent comme un volet important de leur stratégie globale de tarification. La tarification coûts majorés représente en effet une part importante de l'histoire de la tarification, même si elle semble être de moins en moins utilisée. En comparant plusieurs études en 1992, Ward Hanson a démontré que 80 % des entreprises du Royaume-Uni utilisaient cette technique avant la seconde guerre mondiale, 70 % en 1970 et 59 % à la fin des années 80. Cette baisse s'explique surement par les inconvénients importants de cette méthode, notamment le fait que les prix des concurrents sont ignorés et que les coûts de production ont tendance à dépasser régulièrement les prévisions.

Principe général

La tarification coûts majorés sécurise les bénéfices en fixant la marge bénéficiaire. Pour atteindre un objectif donné de marge, l'entreprise détermine ses prix via une simple multiplication des coûts de production estimés (frais variables et fixes) par la marge souhaitée pour un niveau de vente prévu.

Tarification à prix majoré illustrée par les coûts et la majoration.

F représente les frais fixe, V les frais variables par unité, M la marge bénéficiaire visée et S le nombre de ventes estimé, le prix est déterminé comme suit : price = (1+M)(F+VxS)/S

« Une entreprise a des frais fixes de 900 € et variables de 1 € par unité. Elle estime qu'elle va vendre 100 unités. Le coût total de revient donc est de 900 + 100 = 1000 €, soit 10 € par unité. Elle vise une marge de 30 %. Ainsi, le prix sera 1,3 x 10 = 13 € par unité et le bénéfice 3 x 100 = 300 €. »

Dans le secteur de la distribution, il peut être difficile d'estimer les ventes futures (et donc également les frais variables et bénéfices futurs). Par conséquent, il existe une version « simplifiée » de la tarification coûts majorés qui permet de calculer les prix avec moins d'informations que dans la formule standard. En ne prenant en compte que les frais variables, il est possible de déterminer un prix avec la formule suivante :price = (1+M)V. Le problème majeur de cette approche est que la marge bénéficiaire sera diminuée par les frais fixes a posteriori. Dans le secteur de la distribution par exemple, les frais fixes sont souvent négligeables mais, dans ce cas, le nombre de ventes peut avoir une influence sur les coûts, si les distributeurs doivent atteindre un certain nombre d'unités vendues pour obtenir des réductions par exemple. « Une entreprise a des frais fixes de 200 € et de 10 € par unité. Le prix de son produit est donc de 13 € avec une marge de 30 %. Si elle vend 100 unités, les bénéfices sont 3 x 100 – 200 = 100 €. »

La tarification coûts majorés implique l'utilisation de la même marge sur un grand nombre de produits. Au fond, tous les types de tarification pourraient être définis comme coûts majorés en un sens mais, si la marge est différente pour chaque produit, alors tous les avantages de cette méthode sont perdus. Ainsi, la tarification coûts majorés concerne quelques M pour un grand nombre de produits.

Pourquoi utiliser la tarification coûts majorés ?

Tout d'abord, ce type de tarification est facile à calculer, en particulier avec la version « simplifiée » de la méthode. Pour chaque produit, le prix est défini en multipliant simplement le coût par (1+M). Par exemple, une entreprise de distribution avec un grand nombre de produits peut décider de l'ensemble de ses prix en ajoutant la marge souhaitée au prix d'achat. Si elle bénéficie de réductions en fonction du nombre d'unités achetées, elle doit se baser sur le prix d'achat probable. De plus, avec cette méthode, les bénéfices sont garantis et les risques de pertes sont réduits : cette méthode de tarification est l'une des plus sûres. Chaque unité vendue augmente les bénéfices car les frais sont couverts avec une marge. Enfin, ce type de tarification est relativement transparent pour les clients car il est facile pour les entreprises d'expliquer comment les prix sont définis. Par exemple, une entreprise peut expliquer qu'avec des frais C et une marge brute M, le prix défini est entièrement justifié. Tous les clients peuvent comprendre cette méthode.

Quels sont les principaux inconvénients de la tarification coûts majorés ?

La tarification coûts majorés ne prend pas en compte les prix des entreprises concurrentes. Le prix n'est déterminé que sur la base de données d'approvisionnement et n'est comparé à celui des autres entreprises qu'après coup. S'il est trop bas, les marges et donc les bénéfices auraient pu être plus importants. D'un autre côté, si le prix est trop élevé, nombre de ventes peuvent être perdues au profit de la concurrence. Puisque la majoration est définie à partir du prix d'achat prévu et des frais fixes, alors la marge est plus faible que prévue, voire négative dans certains cas. « Une entreprise a des frais fixes de 900 € et variables de 1 € par unité. Elle prévoit de vendre 100 unités. Le coût de revient total est 900 + 100 = 1000 €, soit 10 € par unité. Elle vise une marge de 30 % et applique donc une majoration comme suit : 1,3 x 10 = 13 €. Le concurrent fixe son prix à 11 €. Ainsi, la demande pour l'entreprise en question n'est que de 50 unités. Le coût pour ce nombre de ventes est 950 € et le chiffre d'affaire 50 x 13 = 650 €. Elle perd 300 € au lieu de les gagner comme prévu. »

Les coûts de production ont tendance à dépasser les prévisions, dans le cas des produits sur mesure. Les ingénieurs ou concepteurs ne sont pas incités à maintenir les coûts de production dans la fourchette prévue. Ils produisent comme bon leur semble (en ajoutant des fonctionnalités chères ou en développant un nouveau design par exemple) sans tenir compte de la réalité du marché.

Les coûts des contrats ont également tendance à dépasser les prévisions. Si un fournisseur dispose d'un contrat sur dépenses contrôlées avec l'un de ses clients, sa marge est fixe et, par conséquent, plus il a de dépenses plus il fait de bénéfices. Par exemple, d'après le CSIS, les contrats sur dépenses contrôlées sont la norme dans le secteur de la défense et donc les pouvoirs publics tendent à trop payer la plupart des équipements militaires.

« Un fournisseur peut fabriquer deux produits A et B de même qualité. Le produit A coûte 100 € et le B 120 €. Dans le contrat, la marge bénéficiaire est fixée à 10 %. Ainsi, puisque la marge est soit de 10 € (produit A) soit de 12 € (produit B), l'entreprise choisit de vendre le produit B car celui-ci maximise les bénéfices. »

Références principales

  • Center for Strategic & International Studies (CSIS), “Defense industrial initiatives. Current issues : Cost-plus Contracts”
  • Guilding C., Drury C. & Tayles M., “An empirical investigation of the importance of cost-plus pricing”
  • Hanson W., “The dynamics of Cost-plus Pricing”, Managerial and decision economics, vol. 13, 149-161, 1992